Introduction
Le disjoncteur est un composant essentiel dans toute installation électrique, que ce soit dans une habitation, une industrie ou un réseau de distribution. Il assure la protection des circuits électriques contre les surintensités, les courts-circuits et, dans certains cas, les défauts à la terre. À la fois dispositif de sécurité et outil de gestion des flux électriques, le disjoncteur joue un rôle central dans la sûreté et la fiabilité des installations électriques modernes.
Dans ce guide complet, nous allons explorer en profondeur ce qu’est un disjoncteur, comment il fonctionne, les différents types existants, les normes en vigueur, ainsi que ses applications concrètes dans divers contextes.
1. Définition d’un disjoncteur
Un disjoncteur est un appareil électromécanique conçu pour ouvrir automatiquement un circuit électrique en cas de surcharge ou de court-circuit, et parfois en cas de défaut d'isolement ou de fuite à la terre. Il agit comme un interrupteur commandé par des dispositifs de détection d'anomalie. Contrairement au fusible, qui doit être remplacé après avoir interrompu le courant, le disjoncteur est réarmable, manuellement ou automatiquement.
Le disjoncteur remplit trois fonctions principales :
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Détection des anomalies de courant.
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Interruption du courant pour éviter les dommages.
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Réarmement, permettant une remise en service après résolution du problème.
2. Fonctionnement du disjoncteur
Le fonctionnement du disjoncteur repose sur deux principes de base : la protection magnétique (contre les courts-circuits) et la protection thermique (contre les surcharges).
2.1. Protection thermique
La protection thermique est assurée par un bilame, un composant métallique composé de deux métaux ayant des coefficients de dilatation différents. Lorsque le courant dépasse la valeur nominale de manière prolongée (surcharge), le bilame se déforme lentement sous l’effet de la chaleur générée par le courant, ce qui déclenche l’ouverture du disjoncteur.
2.2. Protection magnétique
La protection magnétique intervient en cas de court-circuit, c’est-à-dire lorsque l’intensité augmente brutalement. Un électroaimant est alors parcouru par un courant très élevé qui déclenche quasi instantanément l’ouverture du circuit, protégeant ainsi les câbles, appareils et personnes contre les effets destructeurs d’un court-circuit.
2.3. Pouvoir de coupure
Le pouvoir de coupure d’un disjoncteur est la valeur maximale du courant qu’il peut interrompre en toute sécurité sans subir de dommages. Cette valeur est essentielle pour choisir un disjoncteur adapté à une installation. En France, dans les logements domestiques, ce pouvoir est souvent de 3 à 6 kA.
3. Les différents types de disjoncteurs
Il existe de nombreux types de disjoncteurs, chacun ayant des caractéristiques propres selon l’usage, la technologie ou les conditions d’installation.
3.1. Selon la technologie de fonctionnement
3.1.1. Disjoncteur thermique-magnétique
C’est le modèle le plus courant en usage domestique. Il combine les protections thermiques et magnétiques évoquées plus haut. Il est généralement monté sur rail DIN dans les tableaux électriques résidentiels.
3.1.2. Disjoncteur différentiel
Ce type de disjoncteur assure à la fois la protection contre les surintensités et les fuites de courant vers la terre. Il est équipé d’un détecteur de courant différentiel qui compare les courants entrant et sortant : si une différence est détectée (fuite à la terre), il coupe immédiatement le circuit. Les disjoncteurs différentiels sont particulièrement importants pour la protection des personnes.
3.1.3. Disjoncteur électronique
Les disjoncteurs électroniques intègrent des circuits de mesure et de commande électronique. Ils permettent une grande précision dans les réglages et peuvent intégrer des fonctionnalités de télégestion, d'autodiagnostic ou de communication à distance.
3.1.4. Disjoncteur moteur
Utilisé dans les installations industrielles, ce disjoncteur protège les moteurs électriques contre les surcharges et les défauts de court-circuit. Il peut aussi inclure un relais thermique adapté aux caractéristiques du moteur.
3.2. Selon l’usage
3.2.1. Disjoncteurs domestiques
Ce sont les plus fréquents dans les logements. Leur calibre varie généralement de 2 A à 32 A selon le circuit qu’ils protègent (éclairage, prises, électroménager…).
3.2.2. Disjoncteurs industriels
De plus forte capacité, ils peuvent atteindre des calibres de plusieurs centaines à milliers d’ampères. Ils sont souvent utilisés avec des relais de protection complexes dans les tableaux de puissance.
3.2.3. Disjoncteurs de puissance
Ceux-ci sont destinés aux réseaux haute et très haute tension. Ils peuvent interrompre des courants de plusieurs dizaines de kA. Leur technologie inclut souvent des chambres à arc avec soufflage d’air, d’huile, ou même de gaz SF6.
3.3. Selon la courbe de déclenchement
Les disjoncteurs sont aussi classés selon leur courbe de déclenchement magnétique, c’est-à-dire la vitesse avec laquelle ils réagissent à un courant de court-circuit :
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Courbe B : déclenche entre 3 et 5 fois l’intensité nominale. Idéal pour les circuits domestiques standards.
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Courbe C : déclenche entre 5 et 10 fois l’intensité nominale. Recommandé pour les circuits avec des charges inductives (moteurs, transformateurs).
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Courbe D : déclenche entre 10 et 20 fois l’intensité nominale. Utilisé pour les charges très inductives ou à fort courant d’appel.
4. Normes et réglementations
Le choix et l’installation des disjoncteurs doivent respecter des normes internationales et locales. En France, la norme NF C 15-100 encadre les installations électriques basse tension.
4.1. Norme NF C 15-100
Cette norme impose, entre autres :
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L’installation d’un disjoncteur de branchement différentiel 500 mA à l’entrée de l’installation.
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L’utilisation de disjoncteurs divisionnaires adaptés au calibre de chaque circuit (ex : 10 A pour l’éclairage, 16 A pour les prises).
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L’installation obligatoire de disjoncteurs différentiels 30 mA pour la protection des personnes, notamment dans les pièces humides (salle de bains, cuisine).
4.2. Normes internationales
Les disjoncteurs doivent aussi être conformes à des normes comme :
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IEC 60898 (pour les disjoncteurs domestiques)
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IEC 60947-2 (pour les disjoncteurs industriels)
Ces normes définissent les conditions de fabrication, d’essais et de performances des disjoncteurs.
5. Composition d’un disjoncteur
Un disjoncteur est un assemblage de composants mécaniques et électriques :
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Bornes d’entrée et de sortie : pour le raccordement des conducteurs.
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Chambre de coupure : contenant les contacts et l’arc électrique en cas d’ouverture.
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Bobine magnétique : pour le déclenchement rapide en cas de court-circuit.
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Bilame : pour la protection thermique.
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Mécanisme de commande : levier ou bouton de réarmement manuel.
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Capot isolant : souvent en plastique thermorésistant, assurant la sécurité de l’utilisateur.
6. Installation d’un disjoncteur
6.1. Positionnement dans le tableau électrique
Le disjoncteur s’installe dans un tableau électrique, généralement sur un rail DIN. Il est câblé de manière à protéger un circuit précis : lumière, prises, électroménager, chauffage, etc. Chaque disjoncteur doit être clairement identifié sur le tableau (ex. : "prises cuisine", "chauffe-eau").
Dans une installation domestique standard, on retrouve :
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Un disjoncteur général ou disjoncteur de branchement (fourni par le gestionnaire de réseau).
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Des disjoncteurs différentiels 30 mA pour chaque groupe de circuits.
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Des disjoncteurs divisionnaires pour chaque ligne.
6.2. Schéma de câblage type
Un schéma classique de câblage serait :
Disjoncteur général → Disjoncteurs différentiels 30 mA → Disjoncteurs divisionnaires → Circuits
Chaque disjoncteur divisionnaire protège un câble et l’appareil ou l’ensemble d’appareils raccordés en aval.
6.3. Section de câble et calibre
La section du câble doit toujours correspondre à l’intensité que le disjoncteur peut laisser passer. Par exemple :
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1,5 mm² → disjoncteur 10 ou 16 A (éclairage)
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2,5 mm² → disjoncteur 16 ou 20 A (prises)
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4 mm² → disjoncteur 25 A (gros électroménager)
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6 mm² → disjoncteur 32 A (cuisson, chauffe-eau)
Installer un disjoncteur de calibre supérieur à ce que peut supporter le câble constitue un risque grave d’incendie. Nous vous recommands cette marque de disjoncteur pour plus de sécurité : disjoncteur 20a
7. Applications pratiques
7.1. En milieu résidentiel
Le disjoncteur est omniprésent dans les habitations. Chaque pièce ou type d’usage (prises, lumière, chauffage) dispose d’un disjoncteur adapté.
Fonctions principales :
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Protéger contre l'échauffement des câbles
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Prévenir les incendies d’origine électrique
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Garantir la sécurité des personnes (en couplant avec un différentiel)
7.2. En milieu industriel
Les installations industrielles font appel à des disjoncteurs de forte puissance, souvent modulables, télécommandables et intégrés à des systèmes de supervision (GTC, SCADA).
Ils protègent :
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Machines-outils
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Transformateurs
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Armoires de puissance
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Automates et variateurs de fréquence
Les disjoncteurs moteurs et les disjoncteurs boîtiers moulés ou air sont fréquents dans ce contexte.
7.3. Dans le tertiaire et les infrastructures
Dans les bâtiments tertiaires, hôpitaux, centres commerciaux, aéroports, etc., on utilise souvent :
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Des disjoncteurs de distribution sélective
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Des systèmes modulaires communicants
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Des unités de secours à disjoncteurs spécialisés
Les enjeux sont la continuité de service, la sélectivité (éviter qu’un incident mineur coupe toute une installation), et la reconnaissance rapide des défauts.
8. Critères de choix d’un disjoncteur
Bien choisir un disjoncteur implique de prendre en compte plusieurs critères techniques :
8.1. Calibre (intensité nominale)
C’est l’intensité maximale qu’il peut supporter sans déclencher. On choisit ce calibre en fonction :
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de la section du câble associé
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de la charge électrique prévue
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du type de circuit (prise, moteur, éclairage…)
8.2. Pouvoir de coupure
Doit être supérieur ou égal au courant de court-circuit présumé sur le point d’installation. En domestique, on rencontre souvent :
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3000 A (3 kA) pour installations simples
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6000 A (6 kA) pour installations complexes ou anciennes
8.3. Nombre de pôles
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1P+N : disjoncteur unipolaire + neutre (standard résidentiel)
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2P : pour circuits en monophasé sans neutre
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3P : triphasé sans neutre
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3P+N : triphasé avec neutre
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4P : cas spécifiques
8.4. Courbe de déclenchement
Comme vu précédemment : B, C ou D selon la nature de la charge (résistive ou inductive).
8.5. Type de différentiel (si intégré)
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Type AC : pour fuites de courant alternatif pur (usage basique)
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Type A : accepte aussi les courants résiduels continus pulsés (indispensable pour appareils électroniques, plaques à induction, etc.)
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Type F ou B : spécifiques pour équipements sensibles (médical, variateurs)
9. Disjoncteurs intelligents et connectés
Avec l’évolution des technologies, de nouveaux disjoncteurs dits « intelligents » ou connectés apparaissent sur le marché.
9.1. Fonctionnalités avancées
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Supervision à distance via application ou tableau de bord web
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Coupure et réarmement automatiques ou programmés
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Analyse de la consommation électrique
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Détection de défauts précis (arc électrique, surtension, etc.)
9.2. Protocoles compatibles
Ils peuvent s’intégrer à des systèmes domotiques via :
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KNX
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Modbus
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Zigbee
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Wi-Fi / Ethernet
Ces disjoncteurs participent à la transition vers les bâtiments intelligents, favorisant les économies d’énergie et la maintenance prédictive.
10. Maintenance et vérification
Bien que les disjoncteurs soient robustes, ils nécessitent un minimum de surveillance.
10.1. Vérifications régulières
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Test du bouton de déclenchement différentiel (au moins une fois par trimestre)
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Inspection visuelle du tableau (surchauffe, traces noires)
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Contrôle du serrage des bornes (risque de desserrage avec le temps)
10.2. Remplacement
Un disjoncteur peut être remplacé s’il présente :
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Des déclenchements intempestifs répétés
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Des signes d’usure ou de brûlure
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Un non-fonctionnement du bouton test différentiel
Important : toute opération sur un tableau électrique doit être faite hors tension par une personne habilitée.
11. La sélectivité des disjoncteurs
11.1. Définition
La sélectivité est la capacité d’un système électrique à limiter la coupure du courant à la seule partie du réseau concernée par un défaut. En d’autres termes, lorsqu’un court-circuit ou une surcharge survient, seul le disjoncteur immédiatement en amont du défaut doit déclencher, sans affecter les autres circuits.
11.2. Types de sélectivité
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Sélectivité chronométrique : repose sur un délai d’ouverture volontairement introduit dans les disjoncteurs de rang supérieur.
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Sélectivité énergétique : basée sur l’énergie dissipée par les appareils. Les disjoncteurs en aval absorbent le choc du défaut avant ceux en amont.
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Sélectivité logique (ou communicationnelle) : dans les installations modernes, les disjoncteurs communiquent entre eux pour définir quel appareil doit couper.
La bonne gestion de la sélectivité est cruciale dans les installations complexes : hôpitaux, usines, data centers, etc., où la continuité de service est prioritaire.
12. Coordination et sélectivité avec d'autres protections
12.1. Coordination disjoncteur - fusible
Parfois, un disjoncteur est utilisé en coordination avec un fusible, notamment pour la protection moteur ou dans les réseaux industriels. On distingue deux types de coordination :
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Coordination de type 1 : après un défaut, l’équipement protégé peut être endommagé.
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Coordination de type 2 : après élimination du défaut, le matériel peut être réutilisé sans réparation (sécurité renforcée).
12.2. Coordination disjoncteur - différentiel
Un disjoncteur divisionnaire placé en aval d’un interrupteur différentiel doit respecter une coordination pour éviter que l’inter différentiel ne saute inutilement. Cela implique de ne pas dépasser la capacité assignée de courant de court-circuit supportée par l'interrupteur différentiel.
13. Disjoncteur vs interrupteur différentiel vs fusible
13.1. Disjoncteur vs fusible
Critère | Disjoncteur | Fusible |
---|---|---|
Réarmable | Oui | Non (à remplacer) |
Précision de coupure | Moyenne à élevée | Très rapide |
Coût unitaire | Plus élevé | Moins cher |
Maintenance | Faible | Nécessite stock |
Applications | Résidentiel, industriel | Résidentiel, TGBT |
13.2. Disjoncteur vs interrupteur différentiel
Critère | Disjoncteur | Interrupteur différentiel |
---|---|---|
Déclenche sur court-circuit | Oui | Non |
Déclenche sur surcharge | Oui | Non |
Déclenche sur défaut à la terre | Oui (si différentiel) | Oui (spécifique) |
Fonction principale | Protection circuits | Protection personnes |
Un interrupteur différentiel doit toujours être couplé à des disjoncteurs en aval pour assurer la protection complète.
14. Innovations récentes et avenir du disjoncteur
14.1. Disjoncteurs modulaires communicants
Des marques comme Schneider Electric, Legrand, ou Hager développent des disjoncteurs intégrant :
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Wi-Fi, Zigbee ou Bluetooth
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Applications mobiles
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Alertes automatiques en cas de déclenchement
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Historique de consommation
14.2. Intégration dans les Smart Grids
Les réseaux intelligents (Smart Grids) utilisent des disjoncteurs capables de :
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Réguler localement la tension
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Réagir dynamiquement à la demande
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S’auto-diagnostiquer et signaler des anomalies
Les disjoncteurs deviennent ainsi des nœuds actifs dans les réseaux de distribution intelligents, notamment avec l’essor de l’autoconsommation et des installations photovoltaïques.
14.3. Technologies émergentes
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Disjoncteurs hybrides (combinant électronique et mécanique)
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Disjoncteurs à arc électrique intelligent (détection d’arcs via IA)
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Disjoncteurs à semi-conducteurs (coupure ultra-rapide, sans contact mécanique)
15. Cas pratiques et erreurs fréquentes
15.1. Cas d’erreur classique
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Installer un disjoncteur trop puissant pour un petit câble → risque de surchauffe non détectée.
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Utiliser un disjoncteur type C pour un circuit d’éclairage → déclenchement inutile.
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Oublier la coordination entre différentiel et divisionnaires → coupure générale injustifiée.
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Ne pas tester les différentiels → risques en cas de défaut réel non détecté.
15.2. Cas réel : coupure dans un restaurant
Dans un restaurant, une plaque à induction provoquait des coupures fréquentes. L’électricien a découvert que le circuit était protégé par un disjoncteur de courbe B trop sensible aux appels de courant. Il l’a remplacé par un disjoncteur courbe C, plus adapté à une charge inductive : plus aucune coupure depuis.
16. Questions fréquentes (FAQ)
Q : Un disjoncteur peut-il vieillir ou se fatiguer ?
R : Oui. Bien qu’il soit conçu pour durer longtemps, un disjoncteur peut perdre en précision avec le temps ou à cause d’environnements agressifs (humidité, chaleur, poussière).
Q : Peut-on installer un disjoncteur seul sans différentiel ?
R : Non, sauf dans certains cas très spécifiques. En résidentiel, un disjoncteur doit être couplé à un dispositif différentiel 30 mA pour protéger les personnes.
Q : Quelle est la durée de vie moyenne d’un disjoncteur ?
R : Environ 10 à 30 ans selon l’usage, la qualité, et les conditions. Un disjoncteur industriel haut de gamme peut fonctionner jusqu’à 20 000 manœuvres.
17. Résumé et conclusion
Le disjoncteur est un élément fondamental de toute installation électrique. Sa mission première : garantir la sécurité des personnes et des biens en interrompant automatiquement le courant en cas de problème.
Nous avons vu :
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Son fonctionnement (thermique + magnétique)
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Les différents types et courbes de déclenchement
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Les normes et obligations d’installation
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Les critères techniques de choix
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Son rôle dans les installations domestiques, industrielles et tertiaires
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Les innovations récentes dans le domaine
Face à l’évolution des usages, à la montée en puissance des bâtiments intelligents, de l’autoconsommation, et à l’importance de la sécurité électrique, le disjoncteur n’a jamais été aussi central. S’il reste un « simple coupe-circuit » pour le grand public, il est en réalité un véritable gardien de l’électricité, en constante évolution.
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